Qu’est-ce que le wokisme ?
Dans son bel essai Comprendre la révolution woke, Pierre Valentin défend l’idée que le wokisme ne serait qu’une “pure négation”, négation d’une norme blanche ou hétérosexuelle[1]. Il serait bon d'ajouter : une négation du rôle de la biologie et de l'évolution dans les différences sexuelles et raciales. Le wokisme est en effet une expression du cosmopolitisme, cette idéologie qui s’est répandue dans tout l’Occident à partir des années 1960. Le cosmopolitisme est un mondialisme nihiliste : son but est la subversion des valeurs et des traditions, les frontières intérieures des nations, pour mieux en détruire les frontières extérieures. C’est la face carnavalesque de l’utopie égalitaire, celle de l’indifférenciation et du vivre-ensemble. C’est un tout qui fait système, d’où le concept qui lui est central d’intersectionnalité des luttes.
L’antiracisme est l’une de ces luttes. Être woke, c’est-à-dire éveillé, a d’abord signifié aux États-Unis avoir conscience de sa condition de noir. C’est une expression antiraciste qui a fait florès avec la mort de Michael Brown 2014 et le mouvement « la vie des noirs compte[2] » qui a suivi. Les porte-voix du wokisme, nourris par l’envie et le ressentiment, se sont mis à lutter pour l’égalité et contre un racisme redéfini pour l’occasion. Celui-ci est internalisé et systémique[3], c’est-à-dire insidieux, inconscient, immiscé dans tous les interstices d’une société de laquelle il faudrait faire table rase. On décrochera alors des couloirs des universités les tableaux des hommes blancs, on mettra au chômage des musiciens blancs pour les remplacer par leurs confrères racisés, on demandera des “réparations financières”, c’est-à-dire de l’argent aux blancs pour le donner aux noirs, etc.
Nous nous attardons sur la dimension raciale du wokisme, parce qu’elle est en son cœur et à ses origines. Mais l’aspect sexuel qui s’y greffa plus tard suit la même logique : le wokisme, comme toutes les expressions du cosmopolitisme, nient que les différences raciales comme sexuelles aient pu être façonnées par l’évolution biologique et qu’elles soient en conséquence liées au fonds génétique. Les biologistes auraient découpé l’humanité en races pour mettre la blanche au-dessus des autres[4]. En réalité, l’humanité ne serait composée que d’un ensemble de populations presque aussi nombreuses qu’il y a d’individus et leurs différences comportementales auraient tout à voir avec leur socialisation et rien avec la génétique. Quant au sexe, il est petit à petit remplacé par le genre, catégorie grammaticale qui éclipse la biologie. Qu’est-ce qu’une femme ?, a demandé le journaliste américain Matt Walsh à des militants de gauche et à des universitaires spécialistes des études de genre[5]. Après un léger malaise chez ses interlocuteurs, la seule définition qu’il a pu recevoir fut circulaire : est femme celle qui se sent femme. Nous n’en saurons pas plus. Pour le cosmopolite, la race n’existe pas non plus autrement que dans le regard, cette fois-ci de l’autre. Les wokes insistent lourdement sur cet aspect des choses et ont remis la question raciale au goût du jour. Les races biologiques n’existeraient pas, mais les races sociales, elles, mériteraient toute notre attention.
Y a-t-il un wokisme de droite ?
Profitons de cette définition du wokisme pour noter qu’il ne peut pas y avoir de wokisme de droite, puisque le wokisme est une expression du cosmopolitisme, qui est, avec le collectivisme, l’un des deux pôles antagonistes de la gauche. L’expression connaît pourtant un certain succès… à droite, que ce soit en France ou ailleurs en Occident. Dans un entretien avec Laetitia Strauch-Bonart[6], la journaliste Eugénie Bastié dit constater “l’émergence d’une sorte de wokisme de droite” qui partagerait avec le wokisme de gauche le goût de la censure et une forme d’hybris. Eugénie Bastié craint également qu’une partie de la droite ne soit contaminée par le tribalisme de la gauche qu’elle combat, et par là se wokise.
Aux États-Unis, un farouche opposant au wokisme, James Lindsay, attaque aussi les prétendus wokes de droite. Lindsay est un universitaire connu pour avoir concocté des canulars dans la veine de celui d’Alan Sokal[7]. Il a notamment fait publier avec deux confrères, dans une revue féministe, un passage de Mein Kampf dans lequel les Juifs étaient remplacés par les hommes. Lindsay définit le wokisme de droite comme une politique victimaire de l’identité, exactement comme le wokisme de gauche, mais où les victimes seraient des hommes blancs, chrétiens et hétérosexuels.
Lindsay partage donc avec Bastié cette condamnation de la “politique de l’identité” ; ils se placent au-dessus de la mêlée pour renvoyer dos à dos les deux camps, jugés trop extrêmes, trop tribaux. Le fait que la race soit au cœur des discours woke et de la droite identitaire est évidemment ce qui gêne, voire effraie cette droite candaule. Cependant, sur la question sexuelle, la droite antiwoke ne tarit pas d'arguments contre les délires de la transidentité et de la négation de sexes. Eugénie Bastié rappelle à l’envi que “la théorie du genre n’est pas un fantasme”[8]. Nous sommes là en terrain praticable. Mais pour tuer l’hydre wokiste, il faut pouvoir lui trancher toutes les têtes. Et pour cela, il faut s’attaquer au dogme de l’inexistence de races de l’antiracisme de la gauche.
En effet, si la conscience raciale et le discours sur l’importance de la race sont aujourd’hui étouffés en Occident — au moins pour les blancs —, c’est à cause de la révolution cosmopolite issue de Mai 1968, dont tous les pays occidentaux ont connu un avatar, et que la vraie droite dénonce à juste titre.
La gauche avait déjà planté ses graines dans l’esprit des Occidentaux au début du XXe siècle. Nous pensons bien sûr à l'anthropologue américain Franz Boas, puis à ses disciples qui ont participé à la rédaction des déclarations sur La Question des races de l’UNESCO après la guerre. À partir des années 1970, l’antiracisme a commencé à infuser puissamment grâce à des figures comme les biologistes Albert Jacquard ou André Langaney en France, qui ont reçu respectivement le prix Lyssenko[9] en 1990 et en 1996, et des personnalités comme les biologistes Stephen Jay Gould ou Richard Lewontin aux États-Unis[10]. En 2007, quand James Watson, savant éminent qui a découvert la structure en double hélice de l’ADN, déclara au Sunday Times qu’il était “pessimiste” quant au développement de l’Afrique à cause de l’intelligence des noirs, jugée inférieure à celle des blancs, il fut à l’origine d’une controverse qui commença sa descente aux enfers. En 2014, il vendit sa médaille du prix Nobel et confia qu’on le traitait désormais comme un “sous-homme”, banni de toute la vie intellectuelle à laquelle il participait avant sa déclaration de 2007.
Il s’agissait là des prémices du wokisme et de sa culture de l’effacement[11]. Si nous devions donner du sens à l’expression de wokisme de droite, elle nous servirait alors à qualifier tous ceux qui, à droite, partagent le même postulat que ces censeurs de gauche : l’inexistence des races humaines. La droite woke serait cette droite candaule qui se soumet à l’antiracisme de la gauche, dont l’inexistence des races humaines est l’un des dogmes. En effet, l’utopie égalitaire ne peut souffrir l’existence des races humaines, comme elle ne peut souffrir l’héritabilité de l’intelligence ou des différences comportementales entre les sexes : l’égalité est impossible si l’environnement n’est pas tout-puissant.
Eugénie Bastié ne semble pas l’avoir compris et a récemment déclaré dans un article du FigaroVox que le démographe Hervé Le Bras, lui aussi détenteur du prix Lyssenko[12], “instrumentalisait” l’antiracisme, comme si celui-ci n’était pas déjà une manipulation de la gauche[13]. Le Bras a récemment publié Il n’y a pas de race blanche, livre qui tente de tourner en ridicule la taxinomie raciale de Linné à Vallois, en passant par Broca, la phrénologie et la craniométrie, pour le grand plaisir d’Eugénie Bastié[14]. En effet, la journaliste du Figaro répète dans son article que Le Bras a bien raison de dire que “la race biologique n’existe évidemment pas”, que ce serait “‘un constat démontré par la science depuis bien longtemps” et elle en profite pour attaquer les “adeptes d’une division ethnique du QI”. Tout cela est bien dans l’esprit du livre de Le Bras, qui fait penser à La Mal-mesure de l’homme de Stephen Jay Gould : essai malhonnête centré sur la craniométrie et les analyses du QI, qui réduit les recherches héréditaristes à des manipulations racistes et antijuives. Le Bras cite Gould, évidemment complaisamment, à propos de l’affaire Morton. Samuel Morton était un grand naturaliste américain qui possédait une importante collection de crânes humains. Gould a prétendu que Morton manquait de rigueur quand il mesurait le volume crânien des noirs et s’arrangeait, plus ou moins consciemment, pour faire en sorte qu’il soit moins important que celui des blancs. Nous avons déjà abordé ailleurs cette affaire et nous en retiendrons l’ironie suivante : il s’est avéré, après des vérifications faites dans les années 1980 et 2010, que Morton n’avait pas triché ; mais Gould, par contre, avait lui-même manipulé les données pour entacher l’image de Morton.
Attardons-nous sur ce sujet fondamental. Gould avait tendance à mépriser les auteurs contemporains qui travaillaient sur les questions de la race et de l’intelligence, mais il a tout de même répondu à Arthur Jensen, Charles Murray et Richard Herrnstein dans la deuxième édition de La Mal-mesure de l’homme[15]. Il y affirme la chose suivante : la théorie des intelligences multiples, défendue à l’époque par le psychologue américain Howard Gardner, mettrait à mal les partisans de l’intelligence générale (g), celle mesurée par les épreuves de QI[16]. Or, Gardner a fini par déclarer qu’il admettait “volontiers que sa théorie n’était plus d’actualité”. Il n’avait d’ailleurs jamais voulu éprouver sa théorie, qui n’avait de toute façon jamais été prise au sérieux par les spécialistes de l’intelligence, lesquels avaient souligné ses insuffisances théoriques et son incapacité à prédire quoi que ce fût, contrairement à la théorie de l’intelligence générale.
Il est amusant de noter que contrairement à Le Bras, Gould avait une certaine sympathie pour la phrénologie, c’est-à-dire l’idée que chaque bosse du crâne puisse renfermer une capacité particulière, d’où l’idée qu’on puisse avoir la bosse des maths. Gould savait que la phrénologie était fausse, mais il n’y a pas consacré de chapitre, contrairement à Le Bras. Celui-ci s’y attarde longuement et encense le médecin Pierre Flourens qui, dans son Examen de la phrénologie, a détruit cette pseudoscience. Flourens dit que “l’intelligence est une”, traçant ainsi la voie vers Spearman et le concept, tant décrié par Gould, d’intelligence générale.
On peut comprendre que Le Bras ne s'embarrasse pas de critiques de la science moderne de l’intelligence et du cerveau et qu’il juge plus prudent de se moquer de la phrénologie. L’approche contraire lui aurait donné du fil à retordre. À l’école de médecine de l’Université de Boston, on distingue les crânes des Dominicains de ceux des Haïtiens grâce aux analyses statistiques d’images réalisées par rayons X. Le MIT se sert de la prétendue intelligence artificielle pour distinguer les races à partir des données de l’imagerie médicale. Les algorithmes d’apprentissage automatique d’Emil O. W. Kirkegaard, entraînés sur des images de cerveaux formées à l’aide de l’imagerie par résonance magnétique, permettent de prédire la race et l’intelligence grâce à la structure du cerveau. Les anthropologues chinois entraînent des réseaux de neurones artificiels qui permettent de distinguer parfaitement les crânes mongoloïdes des crânes caucasoïdes. On trouve par ailleurs des algorithmes d’apprentissage automatique qui permettent de deviner grâce à l’analyse de visages, et avec une justesse impressionnante, l’inclination sexuelle, les traits de caractère ou encore l’autisme.
Bien entendu, les anthropologues n’ont pas attendu ces subtiles analyses informatisées pour distinguer les races. En 2021, on pouvait lire le désarroi des anthropologues wokes dans le New York Times[17]. Ils se plaignaient de continuer à devoir utiliser les méthodes classiques de l’anthropologie raciale pour distinguer les races – tâche jugée ingrate mais nécessaire à l’anthropologie médico-légale. Quelques subterfuges sont évoqués, comme changer l’étiquette, c’est-à-dire ne pas parler de race mais d’ascendance, ou encore distinguer des populations plus précises que les races et ainsi éviter de regarder le sujet en face.
L’impasse Thomas Sowell
Dans un autre article récent du FigaroVox, Eugénie Bastié a fait l’éloge de l’économiste noir américain Thomas Sowell[18]. Nous nous réjouissons qu’un tel penseur libéral reçoive les bonnes grâces de la journaliste, mais nous réjouissons moins qu’elle embrasse ses plus mauvaises thèses. Elle écrit : “Il n’est nul besoin de faire appel au racisme pour expliquer [les inégalités], démontre brillamment Sowell, ni de l’absurde idée d’un ‘plafond intellectuel’ des Noirs prônée par certains racistes américains.”
Sowell[19] présente sa théorie en 2005 dans un livre intitulé Les culs-terreux noirs et les blancs de gauche[20]. Les noirs américains auraient adopté la culture des culs-terreux blancs du sud des États-Unis, à savoir “l’aversion au travail, le goût de la violence, la négligence de l’éducation, la promiscuité sexuelle, l’imprévoyance, l'ivrognerie, le manque d'entrepreneuriat, la vie dissolue, la musique et les danses entraînantes, des expériences religieuses bruyantes, déchaînées et flamboyantes”. Pour Sowell, c’est l’État providence de la gauche, mis en place à partir des années 1960, qui empêcherait les noirs américains de sortir de la pauvreté et de leur culture de culs-terreux.
La différence entre les blancs du sud et ceux du nord est pour Sowell la preuve que les différences raciales ne sont pas génétiques. C’est la marque d’une vision simpliste et caricaturale des différences raciales qui l’empêche de concevoir qu’il y ait chez les blancs comme les noirs des groupes génétiquement différents. Arthur Jensen, qu’il a lu, a pourtant bien insisté sur le fait que les races n’étaient pas homogènes. Il note par exemple que les blancs des Appalaches sont moins intelligents que d’autres blancs plus urbains. Sowell ne comprend pas l’argument et pense que Jensen explique cette infériorité par la consanguinité.
Sowell note que, pendant la première guerre mondiale, les noirs de quatre États du nord firent mieux que les blancs de quatre États du sud sur des épreuves psychométriques de l’armée. Cependant, contrairement à Jensen, il omet de préciser qu’au sein de chaque État, l’écart entre les noirs et les blancs restait le même. Si la culture déterminait le QI, pourquoi les noirs de Pennsylvanie n’avaient-ils pas le même QI que les blancs de Pennsylvanie ? L’explication évidente tient à l’hérédité. C’est une question d’immigration sélective : les noirs du sud les plus intelligents avaient tendance à migrer au nord, là où ils étaient malgré tout moins intelligents que les blancs. Ces noirs, esclaves affranchis ou leurs descendants, étaient particulièrement métissés. Sowell note que 8 % des esclaves avaient au moins 50 % de sang blanc, contre 37 % des affranchis. Il ne faut donc pas chercher trop loin leur réussite relative.
Sowell cite un romancier, Charles W. Chesnutt, pour montrer que les esclaves affranchis avant la guerre de Sécession auraient profité de cet avantage pour prendre de l’avance sur les autres noirs.

Chesnutt avait sept-huitième de sang blanc, mais Sowell ne le précise pas. Il prétend aussi que le succès, après la guerre de Sécession, d’autres noirs américains est une preuve que la question est culturelle et non génétique. Sowell semble avoir du mal à comprendre que les aptitudes mentales sont inégalement réparties au sein des groupes et qu’il n’y a donc rien de surprenant à ce que des noirs soient intellectuellement remarquables, lui le premier !
Sowell compare les noirs américains et les mulâtres de la Philadelphie du XIXe siècle. Ceux-ci, à moitié blancs, commettaient moins de crimes et leurs enfants fréquentaient plus assidûment l’école. Il n’y voit aucune influence possible de la génétique, alors que l’intelligence et la personnalité sont hautement héritables et jouent évidemment un grand rôle dans ce genre de choix de vie.
Un autre problème de la thèse de Sowell est qu’elle ne s’applique qu’aux États-Unis. Or, partout en Occident où vivent des noirs, on note cet écart de 15 à 18 points de QI. En 2013, dans Les intellectuels et la race[21], Sowell prétendait qu’il est de toute façon impossible d’étudier d’éventuelles différences de potentiel intellectuel entre les races. Il balaie un siècle de psychométrie et concentre ses critiques sur quelques études des années 1920 et 1930.
L’un des arguments-massues de Sowell provient de la fameuse étude de Klaus Eyferth, psychologue allemand qui a étudié l’intelligence des enfants nés après la seconde guerre mondiale d’une mère allemande et d’un père soldat de l’armée américaine ou française. Eyferth a analysé le QI de ces enfants élevés seuls par leur mère et a comparé les résultats des enfants blancs à ceux des enfants métis. L’écart, négligeable, donnerait raison à Sowell : c’est la culture qui compte, pas la génétique. L’étude d’Eyferth a cependant de nombreuses insuffisances : une petite cohorte ; un biais de sélection, les militaires américains étant sélectionnés par des épreuves psychométriques auxquelles 30 % des noirs échouaient, contre 1 % des candidats blancs ; un quart des pères n’étaient pas noirs mais nord-africains ; les enfants n’ont pas passé d’examen à l’âge adulte, alors que l’on sait que l'héritabilité du QI se manifeste moins dans l’enfance qu’à l’âge adulte.
Bref, nous pourrions continuer, mais tous les arguments de Sowell sont surannés ou de mauvaise foi. Il invoque par exemple l’effet Flynn, c’est-à-dire l’augmentation séculaire du QI en Occident. Mais l’on sait que l’effet n’a porté que sur certains aspects des épreuves de QI, les moins héritables, tandis que les différences raciales aux États-Unis entre les noirs et les blancs portent sur les parties des épreuves les plus héritables. Bien sûr, Sowell n’évoque jamais la question de la taille du cerveau, corrélée à l’intelligence et qui varie entre les races ; il omet de préciser que dans les études d’adoption où les enfants noirs adoptés par des familles blanches ont des QI un peu plus élevés que les autres enfants noirs, les effets disparaissent à l’âge adulte ; il ne dit rien des enfants noirs américains dont les parents gagnent plus de 200.000 dollars par an et qui ont cependant des résultats au SAT[22] inférieurs aux blancs dont les parents gagnent entre 20 et 40.000 dollars.
Cela va sans dire, dans ses derniers ouvrages, dont Illusions de la justice sociale[23] où un chapitre est explicitement consacré à la race, il ne dit rien des nouvelles données de la génétique. Bref, Sowell n’a jamais honnêtement cherché à donner sa chance à la thèse héréditariste[24].
Faut-il vraiment parler de la race ?
L’essayiste roumano-américain Costin Alamariu, plus connu sous le pseudonyme de Bronze Age Pervert (BAP), a une stratégie[25]. Contrairement à Sowell, BAP est convaincu par la thèse héréditariste. Cependant, il estime peu opportun de la mettre en avant, car la droite serait bien trop candaule pour l’accepter. Il faudrait se contenter de promouvoir la méritocratie, qui mettrait naturellement les blancs en position de pouvoir. Christopher Rufo, journaliste américain antiwoke, estime que la seule façon de lutter contre le “racialisme de la gauche” est de mettre en place une vraie méritocratie, qui ne verrait que des individus, peu importe leur race[26]. C’est aussi la position de toute la droite française antiwoke, mais candaule, qui ne s’aventure jamais sur le terrain de la race biologique. C’est une impasse.
Au fond, le wokisme est la conséquence de la négation du rôle de la biologie, précisément de la génétique, dans les différences raciales[27]. Le wokisme naît aux États-Unis, là où les inégalités économiques et sociales entre les noirs et les blancs sont criantes et documentées. Si, à droite comme à gauche, on affirme haut et fort que la race biologique n’existe pas, comment expliquer ces inégalités ? La gauche, expression idéologique de l’utopie égalitaire, nie naturellement le rôle de la biologie dans les différences raciales. Elles sont pour elle un obstacle à la construction de la société parfaite. L’explication environnementale idéale est alors le racisme. La société américaine seraient fondée sur l’esclavage, la ségrégation, le racisme. En Europe, c’est la colonisation. La police serait encline à tuer les noirs. Si les noirs ont quinze points de QI de moins que les blancs, ce serait à cause du racisme que les noirs auraient intériorisé.
À droite, on est mutique ou sowellien, individualiste et méritocratique. Ce sont les blancs, cette fois-ci de gauche, qui tireraient les noirs vers le bas en les encourageant à être fiers de leur sous-culture. Quoi qu’il en soit, les explications relatives à la situation économique des noirs restent environnementales. Or, on finit toujours par chercher un coupable et le blanc, ses institutions et son système de valeurs sont les plus séduisants.
La droite se prive d’une arme intellectuelle de poids dans son combat contre le wokisme : la vérité. Elle se prive d’une rhétorique aiguisée, puissante contre la thèse du racisme systémique. Elle se prive du seul discours qui est capable de remplacer pleinement celui du wokisme.
Cette arme est d’autant plus nécessaire que, partout en Occident, la nouvelle génération est plus polarisée que les précédentes : le wokisme est embrassé comme jamais par la moitié de la jeunesse, tandis que l’autre s’approprie de plus en plus le discours nationaliste, comme en témoigne la progression du vote RN et du vote Trump parmi les 18-24 ans. La nouvelle génération doit pouvoir brandir des armes puissantes pour se battre. Et grâce à internet, elle les brandit déjà. La carte mondiale du QI est par exemple devenue virale sur X grâce à Bouli, qui atteindra bientôt les 100.000 abonnés[28].
Français, encore un effort si vous voulez défaire la gauche
La prise de fonctions de Donald Trump, président des États-Unis, le 20 janvier 2025, et le rôle d’Elon Musk, propriétaire de Tesla et de SpaceX, dans son gouvernement nous réjouissent et nous donnent de l’espoir. Comme bien des entrepreneurs de la Silicon Valley, Musk sait à quel point la race compte[29]. Il met fréquemment en avant des comptes X réalistes sur la question raciale, dont celui de Crémieux[30], blogueur anonyme qui écrit des billets remarquables sur l’héritabilité des traits de comportement, l’intelligence ou la race. Jared Taylor et American Renaissance sont revenus sur X, ce qui est d’une grande importance, puisque Taylor défend avec classe et brio l’importance de la race. Il exhorte les blancs américains à faire preuve de conscience raciale, comme Henry de Lesquen exhorte les Français à faire preuve de racisme positif, c’est-à-dire, également, de conscience raciale.
Il faut pouvoir dire collectivement, comme Français de sang, blancs, occidentaux, que nous ne sommes pas responsables de l’infériorité du revenu des noirs ou des racisés, qu’ils vivent en France ou en Afrique. Cela passera par le courage de dire la vérité : la race existe, elle compte. Et cela implique de prendre à rebours le discours de cette droite soumise à l’antiracisme de la gauche, précisément à son dogme de l’inexistence des races, dont Eugénie Bastié est pour l’instant un fier représentant.
[1] Pierre Valentin, Comprendre la révolution woke, Gallimard, 2023, p. 29.
[2] Mouvement plus connu dans son terme anglais Black Lives Matter.
[3] Le racisme serait internalisé et donc autoréalisateur : les prétendues victimes de racisme se mettraient inconsciemment à correspondre aux stéréotypes racistes. Le racisme serait aussi systémique, c’est-à-dire institutionnel : la justice, le monde du travail, le monde médical ou encore celui des media seraient mus par des pratiques racistes et discriminatoires envers certaines races.
[4] Au sens strict, la race est, par définition, la subdivision de l’espèce dans la taxinomie linnéenne – élaborée en premier lieu par Carl von Linné – ; on parle aussi de variété ou de sous-espèce. L’espèce homo sapiens n’est pas divisée en trois races (blancs, jaunes, noirs), mais en cinq : caucasoïdes (ou “blancs”), mongoloïdes (ou “jaunes”), congoïdes, capoïdes et australoïdes, étant observé qu’il y a donc trois races de “noirs”, parfaitement distinctes. Voir la “dissertation sur la race” du compendium doctrinal du Parti National-Libéral sur lesquen.fr.
[5] What Is a Woman? [Qu’est-ce qu’une femme ?], disponible sur The Daily Wire (2022).
[6] Eugénie Bastié, “Nous vivons dans l'ère du tribalisme démocratique”, L’Express, 31 octobre 2023.
[7] Alan Sokal, physicien, avait fait publier dans une revue d’études postmodernes un texte absurde et pseudo-scientifique qui intégrait des notions de physique quantique.
[9] Prix attribué par dérision à un auteur qui a pratiqué la désinformation scientifique ou historique pour des raisons idéologiques », prix attribué par le Carrefour de l’Horloge (ex-Club de l’Horloge) et dénommé par référence à Trophime Lyssenko, biologiste favori de Staline et Khrouchtchev.
[10] Voir notamment notre vidéo “Gould, Lewontin : deux charlatans au service de l'antiracisme” (2024) sur la chaîne YouTube @Tiremont et notre article “L’antiracisme contre la science” sur lesquen.fr (2023).
[11] On utilise souvent le terme anglais de cancel culture.
[12] Hervé Le Bras a reçu le prix Lyssenko en 1991 “pour son analyse de l’immigration étrangère et de la natalité française”.
[13] Eugénie Bastié, “Hervé Le Bras, artisan en chef du déni français”, FigaroVox, 22 janvier 2025.
[14] Hervé Le Bras, Il n'y a pas de race blanche, Grasset, Paris, 2025.
[15] Stephen Jay Gould, The Mismeasure of Man, W. W. Norton & Company, New York,1996, 2ème édition. Paru en français chez Odile Jacob en 1997 sous le titre de La Mal-Mesure de l'homme.
[16] Les épreuves psychométriques, malgré leur diversité, mesurent essentiellement une même forme d’intelligence dite générale.
[17] Sabrina Imbler, “Can Skeletons Have a Racial Identity?” [Les squelettes peuvent-ils avoir une identité raciale ?], The New York Times, 19 octobre 2021.
[18] Eugénie Bastié, “Quand l’obsession des inégalités produit de l’injustice, la démonstration limpide de Thomas Sowell”, FigaroVox, 5 février 2025.
[19] Pour de plus amples développements, voir l’excellente critique de Nathan Cofnas, “Thomas Sowell’s Wishful Thinking about Race” [Les vieux pieux de Thomas Sowell sur la race], publiée sur substack.com, 12 août 2024.
[20] Thomas Sowell, Black Rednecks and White Liberals [Cul-terreux noirs et blancs de gauche], Encounter Books, New York, 2005.
[21] Thomas Sowell, Intellectuals and Race, Basic Books, New York, 2013.
[22] Le SAT est l’équivalent américain du baccalauréat. Il détermine en grande partie l’accès aux études supérieures.
[23] Thomas Sowell, Social Justice Fallacies, Basic Books, New York, 2023. Traduit par les éditions Carmin sous le titre d’Illusions de la justice sociale en 2025.
[24] Pour une revue détaillée des données de la génétique des différences raciales dans l’intelligence, voir notamment l’article d’Emil. O. W. Kirkegaard, “A plethora of evidence for genetic influence of American race-ethnic gaps in intelligence”, substack.com (2023).
[25] Bronze Age Pervert, “Race in America and the Dork Right”, substack.com (2024).
[26] Christopher Rufo, “A New Civil Rights Agenda” [Nouveau programme des droits civiques], substack.com, 2025.
[27] Voir notamment les articles de Nathan Cofnas sur substack.com : “Why We Need to Talk about the Right’s Stupidity Problem” [Pourquoi nous devons parler du problème de la bêtise de la droite] (2024), “Victory without a Hereditarian Revolution” [La victoire sans révolution héréditarienne] (2024) et “Was I Wrong about Woke?” [Avais-je tort sur le wokisme ?] (2025).
[29] Nous pensons aussi, par exemple, à l'entrepreneur Peter Thiel, cofondateur de PayPal et lecteur de l’essayiste néo-réactionnaire américain Curtis Yarvin, lequel n’hésite pas à aborder la question raciale sous l’angle biologique.
Merci Nathan Cofnas :p
Bien plus que le gauchisme, ce sont les excès de la 2nde guerre mondiale qui ont conduit à la "diabolisation" de la race. Mais il ne faut pas oublier non plus les différences culturelles. Nombre de peuples aryens ou caucasoïdes (notamment musulmans ou hindous) ont plongé dans une spectaculaire stagnation millénaire. Cependant que les mongoloïdes confucéens (Japon, Chine, Corée) font montre d'une puissante capacité de développement.