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« Make Europe great again » ou les ambiguïtés des soi-disant patriotes de l’Union européenne

Photo du rédacteur: Henry de LesquenHenry de Lesquen

Le tour de son pays étant venu, le premier ministre hongrois, Viktor Orbán, a présidé le conseil de l’union européenne (UE) pendant le second semestre de 2024, avant et après l’élection présidentielle américaine du 5 novembre, qui a vu la victoire retentissante de Donald Trump. Chaud partisan de ce dernier, Orbán a fait enrager ses collègues, qui souhaitaient presque tous la victoire de la candidate du parti démocrate, Kamala Harris… et par-dessus tout la défaite de Trump. Orbán a choisi pour son mandat européen un mot d’ordre en anglais qui démarquait celui de Trump : « Make Europe great again ! » (Rendez sa grandeur à l’Europe !), en écho à « Make America great again ! » (Rendez sa grandeur à l’Amérique !), MEGA au lieu de MAGA… Santiago Abascal, président de Vox, qui recevait à Madrid le 8 février 2025 les dirigeants des partis membres du groupe des « patriotes pour l’Europe » créé en juin 2024 au sein du « parlement » européen, a eu le bon goût de le traduire en espagnol : « ¡Hacer Europa grande otra vez! »

On remarquera au passage la supériorité de notre langue française sur l’anglais… La traduction « sourcière » de MAGA, c’est, mot à mot, « Faites (que) l’Amérique (soit) grande à nouveau ! », tandis que la traduction « cibliste », vraiment française, est « Rendez sa grandeur à l’Amérique ! », ce qui a, il faut l’admettre, une autre allure.

Ces deux formules paraissent limpides, mais elles méritent en réalité un sérieux examen critique, l’une comme l’autre.

De la Pennsylvanie à la Californie, de la Louisiane à l’Illinois, les cinquante États qui forment les États-Unis d’Amérique, United States of America (USA), portent chacun un nom propre, mais non la fédération. Les États-Unis sont le seul État du monde qui n’a pas vraiment de nom, d’autant qu’il y a trois autres « États-Unis », républiques fédérales, sur le continent américain : le Brésil, le Mexique et le Canada. Aussi, pour dénommer cette nation anonyme, on a recours à la synecdoque, figure qui consiste à désigner le tout par la partie, par exemple Angleterre pour Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du nord, ou, à l’inverse, la partie par le tout, comme ici, Amérique pour les États-Unis. Ce faisant, les Yanquis, devenus Américains par excellence, renvoient dans le néant les autres pays du continent. Impérialisme sémantique qui est allé de pair avec l’expansion territoriale que les États-Unis ont connue depuis leur naissance il y a à peine deux siècles et demi. Ils ont ainsi annexé la Louisiane (six fois la France actuelle à l’époque), le Texas, l’Alaska et ils ont maintenant des visées sur l’immense Groenland. Les États-Unis sont aussi le seul pays qui ait été créé par des dissidents, alors que les autres anciennes colonies anglaises, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, sont restées longtemps dans l’orbite de la métropole. Cette rupture qui est à l’origine des États-Unis en fait un pays à part, qui a certes conservé une bonne part des traditions anglo-saxonnes, comme le rule of law (règne du droit), et non seulement la langue, mais qui en a rejeté d’autres. Ce pays a été fondé par une révolution sanglante au cours de laquelle les loyalistes ont été exterminés. Il célébrera l’an prochain, en 2026, le deux-cent-cinquantième anniversaire de sa déclaration d’indépendance. C’est donc, d’une certaine façon, leur constitution de 1787 qui leur tient lieu d’identité nationale ou qui, du moins, en est le symbole.

Quant à la formule d’Orbán ou d’Abascal, qu’elle soit en anglais ou en espagnol, elle n’a au fond aucun sens. L’union européenne n’existe que depuis 1958 sous le nom de communauté économique européenne et, avant sa fondation, ce sont les nations qui la composent aujourd’hui qui furent grandes, dont la France au premier chef, et non une mystérieuse entité qui s’appellerait l’Europe. En effet, si ce nom ne désigne pas l’UE, il n’est qu’une expression géographique, au demeurant maladroite, car l’Oural n’est pas du tout une barrière naturelle dans le continent eurasiatique. Il n’y a ni civilisation européenne ni race européenne ni peuple européen, il y a une civilisation occidentale, à laquelle n’appartiennent ni la Russie ni les pays des Balkans, une race caucasoïde, fort bien représentée en Asie et en Afrique, un peuple français… Il n’y a pas d’Europe à laquelle on puisse rendre sa grandeur et il est impossible de trouver la moindre grandeur dans ce magma technocratique dominé par l’idéologie cosmopolite qu’on appelle union européenne.

On pardonnera à l’excellent Viktor Orbán d’avoir parlé anglais, ce qui était plutôt logique en l’espèce. Il ne pouvait du reste pas se risquer à le traduire en hongrois, car la langue de son petit pays, qui a perdu le lustre de sa grandeur passée, qui n’est même pas une langue indo-européenne, est particulièrement difficile à apprendre et à comprendre pour les ressortissants des autres pays de l’UE. N’empêche qu’après le Brexit, la sortie de l’union européenne effectuée par l’Angleterre, la langue anglaise aurait dû disparaître de l’UE. En effet, si deux pays membres ont bien l’anglais comme langue officielle, à savoir l’Irlande et Malte, ils ont préféré déclarer au moment de leur adhésion leur autre langue officielle, qui est leur langue nationale, le gaëlique pour l’Irlande, le maltais (forme d’arabe) pour Malte. Par conséquent, aucun des vingt-sept membres de l’UE ne s’est réclamé de l’anglais. C’eût été l’occasion pour la France d’obtenir que l’on parlât davantage français pour tenter d’enrayer le déclin de notre langue.

L’essentiel, cependant, n’est pas là. Un patriote ou nationaliste authentique, les deux termes sont équivalents, doit souhaiter que son pays sorte de l’union européenne. On peut comprendre que les nationalistes hongrois, entre autres, renvoient ce projet aux calendes grecques parce que leur petit pays, relativement pauvre, reçoit d’importantes subventions de l’UE, et aussi parce qu’il ne pourrait pas se passer de l’accès au marché commun. Mais les Français ou les Allemands ne sont nullement dans ce cas. L’UE fonctionnant comme une caisse de péréquation, elle prend de l’argent aux pays les plus riches pour le redistribuer aux pays les plus pauvres. Au début de la communauté économique européenne, dans les années 1960, la France était bénéficiaire nette grâce à la politique agricole commune. Les contribuables allemands finançaient les paysans français. Cela fait belle lurette que ce n’est plus le cas. L’union européenne nous coûte cher. Nous n’avons donc aucune raison d’y rester. Premièrement, le traité européen porte atteinte à notre souveraineté nationale. C’est surtout vrai depuis que les tribunaux ont élargi l’interprétation de l’article 55 de la constitution, qui affirme la supériorité des traités sur les lois, même postérieures ; ils considèrent maintenant que le moindre règlement, la plus petite directive, pris en application du traité européen l’emporte sur la loi votée par le parlement français. Deuxièmement, la politique proposée et imposée par les institutions européennes, et en premier lieu par la commission, est presque entièrement mauvaise, marquée du sceau du cosmopolitisme et de son corollaire l’écologisme. Elle livre notre pays à l’immigration, elle ruine notre économie par le « pacte vert » (Green Deal).

Bien plus, il faut détruire l’union européenne, ce que le départ de la France, qui fut un pays fondateur et qui a une position centrale dans l’espace géographique de l’UE, devrait provoquer à terme. L’UE est un Machin calamiteux et irréformable. Aujourd’hui, il n’est plus question de rêver à une « Europe des nations », selon l’expression que nous avions lancée dans le cadre du Club de l’Horloge (aujourd’hui Carrefour de l’Horloge) et qui a été transmise par notre vice-président, Georges Berthu, au mouvement de Philippe de Villiers. Delenda Carthago est !, il faut détruire Carthage !, disait Caton l’ancien. À nous de répéter inlassablement : « Il faut détruire l’union européenne ! »

À cet égard, le nom même du groupe des « patriotes pour l’Europe » est un oxymore. Si l’on est vraiment patriote, on n’est pas pour l’Europe, mais contre, c’est-à-dire que l’on veut sortir de l’union européenne. Il y au demeurant une contradiction de principe pour un patriote dans la participation aux institutions européennes et en particulier à son assemblée, que l’on a renommée « parlement » pour lui donner l’apparence d’une institution d’un État fédéral. Le paradoxe était patent en 1984, quand le Front national de Jean-Marie Le Pen a réussi aux élections européennes sa percée grâce au scrutin proportionnel. En principe, un parti nationaliste, donc souverainiste et identitaire, devrait se refuser à participer à ces élections. Mais il a le droit d’être réaliste ! Il peut les utiliser pour faire avance ses idées. Le meilleur exemple a été celui de l’Anglais Nigel Farage et de son parti, l’UKIP, dont le succès aux élections européennes a été le marchepied qui a conduit au Brexit. Mais Farage n’a jamais commis la sottise, ou la lâcheté, de se déclarer « pour l’Europe ». Le moins que l’on puisse dire, donc, est que les « patriotes pour l’Europe » nagent dans l’ambiguïté.

Ils sont en outre loin d’être d’accord entre eux. Les dirigeants des partis du groupe des « patriotes pour l’Europe » se sont donc réunis à Madrid le 8 février 2025 dans une atmosphère euphorique. Tous ont affirmé que l’élection américaine marquait un tournant historique et que, désormais, leurs partis avaient le vent en poupe. Ce soutien apparemment sans réserve à Donald Trump ne manquait cependant pas d’ambiguïtés. De la part notamment de Marine Le Pen, dirigeante du Rassemblement national (RN). Rappelons que ni elle ni Jordan Bardella, président du parti, fidèles à leur stratégie de « dédiabolisation », ne s’était prononcé en faveur de Trump, aussi incroyable que cela puisse paraître à ceux qui n’ont pas encore compris la vraie nature du RN.

Comme Viktor Orbán, le Portugais André Ventura et le Polonais Krzysztof Bosak ont célébré le caractère chrétien des pays de l’UE et affirmé qu’il ne fallait reconnaître que la famille normale, formée par un homme et une femme. C’était fort éloigné des convictions de Marine Le Pen, qui a voté en faveur de l’inscription du droit à l’avortement dans la constitution et qui n’entend nullement revenir sur la loi Taubira et le mariage homosexuel.

Le président argentin Javier Milei est intervenu par vidéoconférence. Là encore, Marine Le Pen a dû être outrée par les propos de cet ultra-libéral, elle qui soutient que la réduction du nombre des fonctionnaires est « une idée de droite » (et qu’elle condamne à ce titre !).

Ces soi-disant patriotes sont réunis par leur commune hostilité à l’immigration. Encore cette hostilité est-elle fort tempérée. Ils dénoncent l’islam, célèbrent la Reconquista, la reconquête de l’Espagne par les catholiques, qui ont bouté les musulmans hors d’Espagne, mais, comme le Néerlandais Geert Wilders, métis d’Indonésien aux cheveux décolorés, ils se gardent bien de parler de la race, alors que c’est le sujet fondamental, plus important encore que la religion pour la préservation des identités nationales. De plus, ils se bornent à dénoncer l’immigration illégale, comme si l’immigration légale ne présentait pas d’inconvénient. Enfin, ils ne parlent pas de l’indispensable réémigration. Cela signifie qu’ils sont prêts à garder tous les allogènes qui sont déjà là. Le RN avait rompu avec l’AfD (l’autre voie pour l’Allemagne) parce que ce parti avait mis la réémigration dans son programme. C’est dire le degré de candaulisation du RN.

L’AfD a été tenu à l’écart du groupe des patriotes pour l’Europe à la suite d’une déclaration au fond banale de l’un des responsables du parti allemand. Celui-ci avait affirmé que, dès lors qu’il y avait eu un million de SS, on ne pouvait pas les tenir tous pour des criminels. Propos de bon sens, mais insupportables à des oreilles judéo-serviles. Cela n’a pas empêché l’AfD de remporter un grand succès aux élections législatives allemandes de février 2025.

Pourtant, ce parti, lui non plus, n’est pas sans défaut. Il avait présenté comme candidate à la chancellerie Alice Weidel, laquelle était une lesbienne proclamée, mariée à une femme… immigrée sri-lankaise ! Le symbole était affligeant pour un parti de droite qui devrait être attaché aux traditions et à l’identité chrétienne de l’Occident.

Le national-libéralisme est un tout, c’est le courant de la résistance nationale et de la réaction républicaine contre la décadence dans laquelle nous entraîne le cosmopolitisme. Donald Trump l’incarne à merveille aux États-Unis. Encore un effort, messieurs les « patriotes », pour être à la hauteur des tâches que vous devrez accomplir pour sauver votre patrie !

 
 

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