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Photo du rédacteurHenry de Lesquen

L’universalisme de l’incarnation, antidote contre l’inclusion, par Patrick Catélon

L’incarnation est individuelle, nationale et universelle. Elle est d’abord l’union de l’âme et du corps. À cet égard, elle est individuelle, elle se réalise dans chacun des homme. Mais l’incarnation est aussi civilisationnelle et nationale, car la nation forme une communauté qui transmet plus que des valeurs, une hiérarchie des valeurs. Enfin, l’incarnation est universelle parce qu’elle se manifeste dans tous les êtres humains qui ont peuplé, peuplent et peupleront un jour l’ensemble des sociétés de cette Terre.

 

I - L’incarnation individuelle, union de l’âme et du corps

 

L’incarnation est individuelle parce que je suis un individu unique résultant de l’union de mon âme et de mon corps. -Le mot vient du latin in carne signifiant littéralement « dans la chair ». L’âme demeure dans le monde invisible, le corps dans le monde visible. Quand j’ai peur, ma chair a peur, mon âme a peur, c’est l’union de l’âme et du corps, qui nous fait vivre nos émotions.

Celui-ci est un amoncellement de cellules ordonnées savamment, chacune d’elles contenant notre ADN, porteurs de nos gènes : elles sont issues de cette première cellule formée à l’instant fatidique de notre conception. Notre patrimoine génétique, dont l’ADN est la brique élémentaire, est l’expression première de ce que nous sommes : c’est lui qui contient toutes nos potentialités, qui seront-elles-mêmes ensuite cadrées, façonnées, orientées par notre éducation, par notre culture, par nos choix. C’est notre patrimoine génétique qui détermine notre chair sous une quantité innombrable d’aspects : physiques et physiologiques (serai-je un homme, de taille moyenne, brun avec les yeux bruns, ma voix sera-t-elle grave, aurai-je besoin de dormir longtemps pour récupérer, prendrai-je du poids facilement si je mange beaucoup ?), mais également psychologiques. Les scientifiques estiment ainsi que le QI est héritable à plus de 80 %, l’intelligence générale à plus de 90 % et les traits de personnalité à quasiment 90 % ! Comme le dit le titre de l’un des articles de Pierre de Tiremont, « nous sommes nos gènes ». Ce sont eux qui déterminent largement nos dispositions morales, affectives, nos capacités physiques et intellectuelles, nos peurs, nos passions, notre apparence, nos réactions viscérales, nos instincts, nos qualités, nos défauts, nos vices et nos vertus.

Nous incarnons chacun l’humanité de manière différente. L’incarnation est étroitement liée à l’identité de chaque individu. Quand on se rend compte que ce que l’on ressent est unique, que personne ne le ressentira jamais, qu’on ne ressentira jamais ce qu’un autre ressent, on comprend que « chaque homme est un monde ». Quand on parle d’individus, il faut se défaire de la façon de penser en statistique. Tout individu a, au sens mathématique, une probabilité nulle d’exister. Pourtant, nous savons aussi que nous sommes tous, à notre manière, qui n’est semblable à aucune autre, confrontés à des questionnements, à des sensations similaires, voire identiques, à ceux des autres hommes.

Nous existons par exclusion de ce que nous ne sommes pas. Nous sommes ce que nous ne sommes pas.

Certes, nous sommes nos gènes, mais pas seulement ; l’homme est également un être de culture. Si aujourd’hui, avec mon prénom latin et mon patronyme français je suis avec vous dans cet amphithéâtre au nom grec situé dans cette ville au nom gaulois, si personne n’est en pagne, si nous portons des tenues qui se ressemblent plutôt et que vous m’écoutez en silence, tout en comprenant la langue dans laquelle je vous parle, c’est parce que nous sommes des êtres de culture.

Nous avons été éduqués, dressés, civilisés depuis notre plus jeune âge pour être libres de ne pas céder à nos instincts, pour les ordonner et les soumettre à notre volonté.

Il faut rester mesuré et cesser de penser, comme les pseudo-rationalistes de gauche, que la part d’acquis dans nos capacités est démesurée. L’éducation et la culture n’effacent pas les instincts, les vices, les vertus ou les inclinations, ni ne les créent d’ailleurs ; elles les orientent, les font grandir ou diminuer, les ordonnent ou les désordonnent.

 

La conséquence première de l’incarnation est que nous ne décidons pas de ce que nous sommes, mais de ce que nous faisons. Nous avons tous un sexe, des parents, des capacités, des prédispositions et des potentialités que nous ne changerons jamais. « Chaque homme est un monde inconnu à explorer ».

 

II - L’incarnation civilisationnelle et nationale, réalisation des valeurs

 

Ce n’est pas un hasard si je suis né là où je suis né, mon existence est la conséquence de choix effectués par mes parents, dont l’existence est elle-même la conséquence de choix effectués par nos ancêtres. L’incarnation est nationale parce que nous sommes porteurs d’un héritage bioculturel qui se matérialise tous les jours jusqu’au moindre détail de la nation dans laquelle nous vivons et de la civilisation de laquelle nous sommes issus ; cette culture, cette nation et cette civilisation, ce sont nos ancêtres qui les ont façonnées avec leurs semblables et leurs compatriotes, et ce sont par cette culture, par cette nation et par cette civilisation qu’eux-mêmes ont été façonnés et que les descendants de nos ancêtres, c’est-à-dire nous-mêmes et nos descendants avons été et serons façonnés en retour.

Tout individu s’inscrit dans une chaîne de générations formée des vivants, des morts et de ceux qui vont naître. C’est cette chaîne de générations qui constitue l’identité de la nation.

C’est donc l’incarnation qui constitue l’identité d’un peuple, comme celle d’un individu. Pour autant, elle ne s’oppose nullement à l’universalité des valeurs. C’est la manière dont sont résolus les conflits de valeurs, donc la hiérarchie établie entre celles-ci, qui différencie les civilisations, non la liste des valeurs elles-mêmes, qui, à un certain degré d’abstraction, sont communes à toutes les sociétés. L’articulation des valeurs entre elles, l’articulation de leurs objets entre eux, sont propres aux diverses civilisations et les différencient. Chaque nation particulière singularise davantage cette hiérarchie des valeurs qu’elle parage avec les autres nations de la même civilisation.

Le voile islamique est un bon exemple. Ici, ce sont la pudeur et la liberté qui s’opposent et l’on voit que l’Occident chrétien et l’Orient islamique ne règlent pas de la même manière ce conflit de valeurs, bien que celles-ci leur soient communes. Ainsi, « c’est par le particulier que l’homme accède à l’universel » -, comme l’a fortement affirmé Gustave Thibon.

Tout ce qui implique un jugement de valeur, par opposition à un jugement de connaissance, met en cause par définition une ou plusieurs valeurs qui peuvent être très générales comme le beau et le bien, mais la vie en société implique que lesdites valeurs et l’importance qui leur est attribuée soient peu ou prou partagées par tous ses membres, ou du moins la grande majorité, les dissidents étant tenus pour des vicieux ou des délinquants.

Les sociétés sont des systèmes bioculturels : les gènes et la culture co-évoluent perpétuellement dans un cycle de rétroactions positives. Comme l’écrit Henry de Lesquen dans dans La Politique du Vivant : « C’est par les normes qu’elle impose aux individus qu’une société maîtrise le système génétique sur lequel elle s’appuie. Réciproquement, c’est la multiplication de certains gènes et au contraire la raréfaction de certains autres qui donne à un peuple ses chances face à l’histoire. » On relèvera au passage que l’assimilation véritable des immigrés est problématique, car elle leur demande d’aller contre leur chair, ce qui ne peut guère réussir que pour ceux qui viennent de la même aire civilisatonnelle.

Les valeurs impliquent des règles de comportement. Il y a valeur lorsqu’il y a objet pour jugement de valeur. On en est imprégné, en partie à cause de l’éducation.

 

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L’incarnation est nationale. Peuples et nations, comme les individus, sont des entités incarnées, parce que ce sont des communautés de destin unies par un corpus de valeurs. « Les valeurs sont universelles, mais elles ne peuvent exister qu’incarnées. »

 

III- L’universalisme de l’incarnation

 

Si on en mesure toute la portée, l’universalisme de l’incarnation est l’antidote contre le mythe de l’inclusion. Soulignons d’abord que l’incarnation est universelle en ce sens qu’aucune société, aucun peuple, aucune civilisation ne peut se constituer et se maintenir sans incorporer un système de valeurs qui le distingue nécessairement de tous les autres.

Nous récusons l’amalgame entre cosmopolitisme et universalisme, idée aberrante promue par la gauche cosmopolite, qui se fait passer pour universaliste. Les valeurs sont universelles, certes, mais elles ne peuvent exister qu’incarnées. Par conséquent, elles impliquent la division du genre humain en diverses civilisations, elles-mêmes constituées de divers peuples.

La pudeur face à un regard, la bravoure devant le danger, la liberté qui résiste à l’oppression, la justice contre l’arbitraire ou le favoritisme : toutes les valeurs sont incarnées par quelqu’un face à quelque chose, elles sont dans le monde à travers celui qui les porte.

 

Il est insensé de rejeter a priori les traditions, car ce sont des solutions qui ont traversé le temps. Burke, et Hayek après lui, ont insisté fort justement sur ce point capital.

Nous ne sommes pas issus d’un hasard ! Je n’aurais pas été ce que je suis sans l’union de mes parents. Je n’aurais pas pu naître en Afrique noire parce que ce n’aurait pas été moi. Les individus ne sont pas interchangeables.

Il n’y a pas d’autres façons de prendre conscience de l’universel que par le particulier. Donc par l’exclusion, par l’établissement de frontières intérieures et extérieures, parce que « nous sommes ce que nous ne sommes pas ».

Selon Henry de Lesquen, l’universalisme de l’incarnation se réalise mieux en Occident parce que c’est la civilisation de la personne, expression qui vient d’Henri de La Bastide.

On peut illustrer cela par la diversité des rapports sincères à Dieu. Chaque peuple vit sa foi différemment. Les Français sont dramatiques au sens littéral, solennels, comme le montrent les prières universelles. Les Espagnols, plus directs et terre à terre, sont attachés à l’endimanchement. Les congoïdes sont plus expressifs, joyeux, démonstratifs, aiment le rythme, les gospels, tournent leurs mains vers le ciel comme des « dévisseurs d’ampoules », les pasteurs protestants se produisent sur scène comme des acteurs, etc. Les Mexicains sont dévoués à la Vierge, ils mettent des autels partout, ont parfois des dévotions qui frisent l’animisme

Il y a un racisme positif, sans haine et sans reproche, qui est la conscience de race, à l’opposé du racisme négatif que constitue la haine raciale, qu’il faut rejeter comme toute forme de haine sociale. Reconnaissons la diversité des races et des peuples, et par là-même la diversité avec laquelle chaque valeur, vertu, vice est incarnée.

 

IV- L’inclusion, expression issue de l’utopie égalitaire

 

L’inclusion est plus précisément l’expression du pôle cosmopolite de l’utopie égalitaire, puisque, pour « inclure », il faut effacer les frontières.

L’inclusion est incompatible avec l’incarnation du simple fait que celle-ci ne peut se réaliser sans l’exclusion de ce qui détruit l’ordre résultant de la hiérarchie des valeurs, qu’il s’agisse des idées qui le subvertissent ou des individus qui lui sont contraires. Le respect de la division naturelle entre les sexes, par exemple, fixe des limites à la liberté individuelle, alors que, sous prétexte « d’inclure » les transsexuels, renommés transgenres, on veut en faire litière. On voit bien ici que l’inclusion est un faux principe, irréalisable en pratique, intrinsèquement révolutionnaire, donc pervers, qui sert à faire table rase des principes hérités de la tradition en imaginant absurdement la création d’un « homme nouveau » qui en serait affranchi.

Les cosmopolites veulent que nous n’incarnions plus rien : masculinité, féminité, identité. Ils veulent que nous piochions ce que nous voulons être en actes et non ce que nous sommes. Les cosmopolites nient la chair, que ce soit le sexe, les différences cognitives. Ils nient les différences qui séparent les peuples, ainsi que les différences entre les personnalité… sauf quand c’est pour désigner et exclure l’ennemi politique ou idéologique, c’est-à-dire l’home droit, l’homme de droite attaché à son identité.

Le cosmopolitisme nie les essences. Il nie les frontières intérieures et extérieures.

L’utopie égalitaire, qu’elle soit collectiviste ou cosmopolite, considère l’homme comme une page blanche. Elle confond la justice avec l’égalité.

 

V - Le christianisme, universaliste et non cosmopolite

 

Le christianisme, religion de l’Incarnation, qui demande à ses fidèles d’amier la patrie est donc aux antipodes du cosmpolitisme.

Le dogme de l’Incarnation professé par la foi catholique enseigne que Jésus-Christ était à la fois vrai Dieu et vrai homme. « Et le Verbe s’est fait chair » (Jean, I 14). Il avait en sa Personne les deux natures, divine et humaine, et les deux volontés, mystérieusement accordées. L’incarnation individuelle, union de l’âme et du corps, est un reflet de cette Incarnation primordiale.

L’incarnation civilisationnelle est elle aussi un reflet du dogme de l’Incarnation : en hiérarchisant les valeurs, les peuples les font sortir de l’empyrée des idées pures pour leur donner une réalité concrète dans une culture déterminée.

Le christianisme n’est pas cosmopolite. Ce n’est pas parce qu’il est universel, c’est-à-dire qu’il s’adresse à tous les hommes, qu’il est cosmopolite. « Aime ton prochain comme tu t’aimes toi-même », a dit le Christ. On peut en conclure sans paradoxe que « charité bien ordonnée commence par soi-même »..

Certes, nous dit saint Pau, « il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus » (Galates, III3 :27). Mais il ne faut pas se méprendre : l’apôtre parle ici de l’ordre spirituel et non de l’ordre temporel. C’est ainsi qu’il prescrit ailleurs à l’esclave d’obéir à son maître et à la femme de se soumettre à son mari… Quant à l’abolition de la distinction entre Juifs et non-Juifs, elle est centrale dans la naissance du christianisme et signifie que les fidèles sont libérés de la loi mosaïque.

Et ce n’est pas parce que le christianisme veut que nous agissions de manière juste sur terre qu’il faut être égalitaire. Il suffit à cet égard de relever que la morale chrétienne condamne le vol et reconnaît le droit de propriété.

 

Conclusion

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, rendons grâce à notre héritage génétique, culturel et national ; protégeons-le et incarnons-le fièrement face à ceux qui nous veulent inclusifs, c’est-à-dire désunis, désincarnés, sans morale et sans frontières. L’universalisme de l’incarnation est l’antidote contre l’inclusion.

 

Remarque : ce texte a servi de base à la conférence de Patrick Catélon aux rencontres annuelles du Carrefour de l’Horloge qui se sont tenues à Paris, dans l’amphithéâtre Santorin de la Maison d’Athènes, sur le thème général de « L'inclusion, mantra d’un monde sans frontières », le samedi 25 novembre 2023.

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