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Photo du rédacteurHenry de Lesquen

Après les élections, la nécessité d’un aggiornamento

Dernière mise à jour : 30 juil.

1. Le dimanche 7 juillet 2024, à 20 heures, le ciel nous est tombé sur la tête, à nous pauvres Gaulois !

Pourtant, le 9 juin 2024, à peine un mois plus tôt, au soir des élections européennes, il y avait lieu d’être optimiste. Le bloc national avait obtenu 40% des voix, soit 31,5% pour la liste du Rassemblement national menée par Jordan Bardella, 5,5% pour celle de Reconquête menée par Marion Maréchal, auxquelles on pouvait ajouter une partie des 7% obtenus par la liste des LR, au moins 3%, dès lors que le président de ce parti, Éric Ciotti, avait scellé une alliance avec le RN, deux jours après, le 11 juin. La liste de la majorité présidentielle était reléguée bien loin, à 15%. Comme Emmanuel Macron avait décidé, le soir même des élections européennes, de dissoudre l’assemblée nationale en fixant un délai minimum de trois semaines pour les élections législatives, l’avenir paraissait écrit d’avance. Dans l’élan de sa victoire aux européennes, le RN allait remporter la majorité absolue à l’assemblée nationale, avec au moins 289 députés sur un total de 577, et Jordan Bardella deviendrait premier ministre dans une cohabitation qui serait la quatrième sous la Ve république, après celles de 1986 (Mitterrand-Chirac), de 1993 (Mitterrand-Balladur) et de 1997 (Chirac-Jospin).

Mais il ne faut jamais vendre la peau de l’ours qu’on ne l’ait mis par terre, comme a dit ce bon La Fontaine. Déjà, le résultat du premier tour, le 30 juin, nous avait déçus. Le bloc national avait perdu 6 points par rapport aux européennes, 3 points par rapport aux sondages ; de son côté, la majorité sortante, à 21%, avait gagné 6 points par rapport aux européennes.

On ne pouvait pas prévoir le retournement de situation proprement sidérant qui s’est produit entre les deux tours, dans un tel laps de temps d’une semaine seulement. On n’était plus tout à fait sûr que le RN et ses alliés auraient la majorité absolue, mais on ne doutait pas qu’il serait au minimum le premier groupe de l’assemblée.

Les meilleurs instituts de sondage, l’IFOP et l’IPSOS, avaient fait des prévisions remarquables pour les élections européennes en donnant le résultat à 1% près, ce qui démontre au passage que, pour ce scrutin du moins, il n’y pas eu de fraude électorale appréciable, sauf peut-être pour LFI, « La France Insoumise », qui a fait 2% de mieux que prévu. Les prévisions sont plus difficiles pour les élections législatives puisqu’il y a 577 circonscriptions. De fait, l’IFOP a surestimé de 3% les résultats du RN au premier tour.

La difficulté est encore plus grande pour le second tour puisque les électeurs qui ont voté pour les candidats éliminés au premier tour sont forcément en moyenne plus hésitants sur leur participation ou leur choix suivant.

Cependant, ce ne sont pas les voix qui comptent, ce sont les sièges. Or, comme en 2022, on a vu que les projections du nombre de sièges établies par les instituts de sondage avaient peu de valeur. En 2022, le soir du premier tour des élections législatives, l’IFOP donnait de 5 à 15 sièges au RN ; la veille du second tour, 50 sièges au maximum. Or, il en a eu 89. En 2024, tout au contraire, les projections ont largement surestimé le RN. Au lendemain du premier tour, le 1er juillet, l’IFOP lui donnait entre 240 et 270 sièges. Le 6 juillet, à la veille du second tour, il lui en donnait encore de 170 à 210. Mais le RN n’a eu en réalité que 125 sièges, auxquels il faut ajouter les 17 sièges des LR de la ligne officielle définie par Éric Ciotti, donc 142 au total. On est loin du compte.

On n’avait jamais vu dans l’histoire électorale de la France un tel retournement de situation entre les deux tours des législatives. Que s’est-il passé ?

 

2. Deux événements permettent a posteriori d’expliquer le résultat du deuxième tour. L’un comme l’autre était difficile à prévoir Le premier, c’est la reconstitution de la NUPES de 2022 sous le nom de « Nouveau Front populaire ». Les quatre ou cinq partis qui s’étaient copieusement vilipendés pendant la campagne des européennes, LFI, PC, PS, écologistes, auxquels on peut ajouter la formation trotskyste de Philippe Poutou, le NPA (Nouveau Parti anticapitaliste), ont réussi à nouer une alliance en 48 heures et à se donner un programme commun deux jours après. Remarquable résultat !

Le deuxième événement, bien plus grave, qui s’est lui aussi matérialisé en moins de 48 heures, mais après le premier tour, puisque la limite du dépôt de candidatures pour le second tour était fixée au mardi 2 juillet à 18 heures, c’est la formation du prétendu « front républicain » pour « faire barrage à l’extrême droite », entendez le Rassemblement national et ses alliés. Ce fut un coup de génie du premier ministre, Gabriel Attal, qui s’est démarqué d’Emmanuel Macron, lequel avait dénoncé quelques jours plus tôt la France insoumise comme un parti antisémite et immigrationniste (sur ce dernier point, c’était l’hôpital qui se moquait de la charité !). On a oublié tout cela, LFI, composante du NFP, a réintégré l’« arc républicain » dont celui-ci faisait partie tout autant que la coalition issue de la majorité sortante emmenée par Gabriel Attal, François Bayrou et Édouard Philippe, « Ensemble pour la république » (les candidats du parti Horizons d’Édouard Philippe s’étaient présentés sous leur propre bannière, bien qu’ils fissent partie de la majorité sortante). Mélenchon étant implicitement dédiabolisé le temps des élections, il ne restait plus dans le paysage politique français qu’un seul Satan en deux personnes : Marine Le Pen et Jordan Bardella, autrement dit la hideuse « extrême droite ». Et cela a pleinement fonctionné.

Pourtant, le prétendu front républicain n’en était pas un. Le RN n’est en rien l’ennemi de la république, quel que soit le sens qu’on veuille donner à ce terme, à moins évidemment qu’il ne signifie rien d’autre que l’opposition à la vraie droite. En revanche, les deux gauches, la gauche officielle du NFP et la gauche masquée de Macron et Attal, n’ont en rien le droit de se réclamer des principes républicains. Souvenons-nous par exemple de ce que proclamait Paul Doumer, président de la chambre des députés, futur président de la république, en 1906, dans Le Livre de mes fils :

« N’écoutez pas les sophistes qui professent un cosmopolitisme dissolvant, qui nient la patrie et qui répudient le devoir. Ce sont des ennemis publics. S’ils étaient suivis, ils précipiteraient la France vers la décadence et la mort, comme leurs aînés ont fait de la Grèce et de Rome. »

Il y a en effet deux gauches, et non une gauche et un centre. Le NFP, dans ses diverses composantes, est à la fois socialiste et cosmopolite, et Raphael Glucksmann, qui fut avec succès tête de liste du PS aux européennes, est le trait d’union entre le NFP et Ensemble. En effet, cette dernière coalition de cinq partis (Renaissance, Modem, Horizons, UDI, parti radical valoisien) ne relève nullement du centre, elle est en réalité une gauche purement cosmopolite, c’est-à-dire à la fois mondialiste et nihiliste.

Il faut comprendre que le clivage droite-gauche n’est pas linéaire. Il se forme dans un espace à deux dimensions, parce que la gauche, expression idéologique de l’utopie égalitaire, est écartelée entre deux pôles antagonistes, le collectivisme et le cosmopolitisme. On peut tracer en abscisses l’opposition classique du collectivisme, quel que soit son nom, socialisme, communisme ou marxisme, au libéralisme ; en ordonnées se dessine l’opposition du cosmopolitisme au nationalisme. Cette représentation à deux dimensions, sur un plan et non sur une droite, est plus complexe, mais c’est la seule qui rende compte de la réalité métapolitique.

En quelques jours, le prétendu « front républicain » contre la prétendue « extrême droite » a fait naître un phénomène de dynamique des foules extraordinairement puissant. Ici, la foule électorale a réagi exactement selon les analyses fameuses de Gustave Le Bon. Les masses ont été électrisées en un instant, pour ainsi dire, et, le jour venu, 7 juillet 2024, elles se sont précipitées vers les urnes électorales pour conjurer le risque abominable de l’arrivée au pouvoir de « l’extrême droite ».

Le résultat est fascinant : France de droite, cap à gauche. Le NFP a eu 26% des voix au second tour, le RN et ses alliés en ont eu 37%, soit 11% de plus. Il est vrai que cet écart a été amplifié par les désistements réciproques entre le NFP et Ensemble, mais il était quand même de 4% au premier tour. Pourtant, grâce au jeu des désistements, le NFP a eu 178 sièges, contre 142 seulement pour la droite nationale.

Grâce à la stratégie machiavélique de Gabriel Attal, la majorité sortante a sauvé les meubles, avec 159 sièges, ne perdant que 90 sièges par rapport à 2022. Ainsi, le RN, premier parti de France en termes d’électeurs, s’est retrouvé relégué en troisième position.

Qu’il s’agisse d’immigration ou d’insécurité, les deux thèmes les plus porteurs du discours du RN, la grande majorité des Français partagent ses idées, mais la dialectique du « barrage à l’extrême droite » empêche un grand nombre d’entre eux de l’exprimer dans les urnes. C’est ainsi que la démocratie est confisquée par l’oligarchie cosmopolite. Ce schéma mental neutralise le jugement rationnel. La république, c’est le bien, l’extrême droite, c’est le mal, ne cessent de répéter les media. Voilà pourquoi les bourgeois des beaux quartiers ont voté massivement pour « Ensemble pour la république ». C’est une expression de la lutte des classes. Les ouvriers, les employés, les gens modestes, votent en grande majorité pour le RN tandis que les plus favorisés, enfermés dans leur bulle, ne veulent pas voir la gravité de la situation du pays, qui finira pourtant par les atteindre si la décadence se poursuit.

 

3. En dépit des progrès incontestables du RN, tant en termes de voix que de sièges, il faut bien tirer un constat d’échec de sa stratégie, puisque le but est d’arriver au pouvoir.

Certes, le RN, qui n’avait que 2 députés en 2017, 89 en 2022, en a maintenant 125. C’est remarquable… mais c’est loin d’être suffisant puisque la majorité demande 289 sièges et que le RN n’en a même pas la moitié. Donc, sa stratégie n’était pas la bonne.

Il y a en politique trois grands types de stratégie qui, en pratique, se combinent toujours dans une certaine mesure : la stratégie basse, la stratégie diagonale et la stratégie haute.

La stratégie basse était celle du Front national de Jean-Marie Le Pen. Elle ne faisait pas de concession à l’adversaire. Elle affirmait haut et fort ses principes et ses valeurs. Son programme était complet et puissant. Rien à voir avec celui, ectoplasmique, du RN aujourd’hui.

Dans la stratégie diagonale, qui est suivie par Marine Le Pen depuis qu’elle a succédé à son père Jean-Marie (2011) et que le Front national est devenu le Rassemblement national (2018), on se veut conciliant avec ses adversaires, on admet qu’ils ont largement raison et on espère qu’ainsi ils perdront en agressivité et surtout qu’une partie de leurs électeurs pourra se laisser séduire. Marine Le Pen et Jordan Bardella sont allés très loin dans cette voie, caressant l’espoir de se « dédiaboliser ». La stratégie de dédiabolisation, qui était sans aucun doute nécessaire dans une certaine mesure et dans un premier temps pour arriver au pouvoir, est une forme de stratégie diagonale. Tout récemment, Marine Le Pen et Jordan Bardella ont cru intelligent de rendre hommage à Badinter et à Manouchian, et la première, députée à l’assemblée nationale, a voté le 4 mars 2024 pour l’inscription du droit à l’avortement dans la constitution. Jusqu’où descendront-ils, pouvait-on se demander ? Ils pensaient naïvement que ces concessions à l’adversaire – on a envie de dire cette soumission – allait enfin leur permettre d’échapper à l’excommunication « républicaine » et de se débarrasser de l’étiquette infamante « d’extrême droite ». Il n’en a rien été. Par la grâce de Gabriel Attal, ils se sont retrouvés comme ci-devant, au même titre que Jean-Marie Le Pen entre les deux tours de la présidentielle de 2002, vingt-deux ans plus tôt, frappés d’excommunication pour cause d’« extrême droite ».

En face, les deux gauches associées, le NFP et « Ensemble pour la république », ont adopté une stratégie haute dont le résultat a été magnifique. Celle-ci consiste à attaquer l’adversaire au nom de principes qui sont acceptés par la grande majorité des électeurs, ici la défense de la république et la répudiation de l’extrême droite, celle-ci étant tenue pour antirépublicaine. C’est la puissance de cette stratégie haute des deux gauches et la faiblesse de la stratégie diagonale de la droite nationale qui explique l’échec retentissant du RN le 7 juillet 2024.

Et pourtant ! Sur l’immigration, il n’y a pas grand-chose dans le programme du RN, qui entend seulement la réduire et qui ne veut pas entendre parler de réémigration, d’inversion des flux migratoires. Celle-ci est cependant cruciale si l’on veut que la France reste la France. Le RN a rompu avec son associé allemand, l’AFD, parce que celui-ci voulait mettre en place une politique de réémigration. Marine Le Pen a même qualifié le « grand remplacement » de « théorie complotiste », comme le font les cosmopolites. Elle devrait prendre plus souvent les transports en commun en région parisienne.

Tout cela nous avait permis d’écrire avant les européennes du 9 juin 2024 : « En Italie, Giorgia Meloni a attendu d’être élue pour trahir. En France, Marine Le Pen et Jordan Bardella ont pris de l’avance. » Nous pensions encore alors que le RN avait des chances de l’emporter et d’arriver au pouvoir grâce à sa stratégie diagonale, tout en étant convaincu qu’il n’en ferait pas bon usage, en ce sens que sa politique serait à peine meilleure que celle des cosmopolites qui gouvernent la France depuis cinquante-cinq ans, c’est-à-dire depuis l’élection de Georges Pompidou à la présidence de la république en 1969. Aujourd’hui, vu l’expérience du 7 juillet 2024, il nous paraît clair au contraire que le RN ne pourra gagner que s’il opte pour une stratégie haute.

Si nous avions en France le mode de scrutin des Anglais, uninominal à un tour, le RN aurait gagné. C’est ainsi que le parti travailliste a obtenu une large majorité à la chambre basse le 4 juillet 2024 avec seulement 34% des voix. Mais avec notre scrutin uninominal à deux tours, inventé par les francs-maçons de la troisième république pour magouiller entre les deux tours, au nom, déjà, du « front républicain », le RN ne pourra arriver au pouvoir que s’il s’emploie à casser le barrage de ce prétendu front républicain.

On peut se féliciter que le RN ait davantage de députés, mais il faut bien comprendre que l’opposition n’a pratiquement aucune influence sur la politique suivie par les pouvoirs publics, surtout si c’est une opposition diabolisée dont on refuse le concours dans les débats parlementaires. Par conséquent, peu importe en réalité d’avoir 2 députés, 89 ou 142 si l’on est privé de la perspective d’arriver au pouvoir.

Le RN ne le pourra que s’il adopte une stratégie haute en réplique à celle de l’adversaire. Prenons deux exemples de ses insuffisances actuelles.

Sur le droit de la nationalité, Jordan Bardella a montré ses faiblesses. On n’a pas pris la peine de lui expliquer le sujet en cinq minutes ou de lui faire une note d’une page. Il a déclaré qu’il voulait « abolir le droit du sol ». Première erreur, qui est sémantique, car il faut distinguer l’attribution de la nationalité française à la naissance de son acquisition après la naissance. Le droit du sol, jus soli, selon lequel un enfant serait français dès lors qu’il est né en France même si ses deux parents sont étrangers, a été abrogé en 1803 et n’a jamais été rétabli. Depuis, c’est le droit du sang, jus sanguinis, selon lequel l’enfant est français dès lors que ses parents le sont, quel que soit le lieu de sa naissance, qui reste le principe. L’acquisition automatique de la nationalité française à sa majorité (dix-huit ans aujourd’hui) par un résident qui est né en France sans qu’il ait besoin de la réclamer n’est pas assimilable au droit du sol. Elle résulte de la loi Mazeaud de 1973 (loi n° 73-42 du 9 janvier 1973 complétant et modifiant le code de la nationalité), laquelle, il est vrai, n’innovait pas sur ce point par rapport à la loi du 26 juin 1889 ; mais elle ne revenait pas sur celle-ci, qui était en contradiction avec le principe posé à l’origine dans le code civil de 1804. Visiblement, Bardella l’ignorait.

Sur le sujet de la binationalité, Bardella a été vaseux. Il ne lui est pas venu à l’idée d’affirmer que la double allégeance était contraire aux principes de la république et qu’on pouvait être choqué de voir des Franco-Algériens brandir des drapeaux algériens lors d’une partie de balle au pied à Marseille entre la France et l’Algérie.

Quand on lui a opposé les propos malheureux de certains de ses candidats, Bardella ne s’est pas bien défendu. En stratégie diagonale, il a reconnu l’horreur de ces dérapages, aussi secondaires fussent-ils en fait, ce qui au fond contribuait à nourrir le procès fait au RN et à donner de la légitimité au barrage contre l’extrême droite. Il aurait dû dire, en stratégie haute : « Vous savez, si beaucoup de Français tiennent des propos parfois contestables sur l’immigration, c’est parce qu’ils se sentent devenir étrangers dans leur propre pays à cause de la politique antinationale et antirépublicaine que vous menez ou que vous soutenez. »


4. En 2027, à l’élection présidentielle, le même scénario risque de se reproduire. Marine Le Pen sera probablement battue au second tour si elle n’a pas réussi d’ici là à désamorcer le « front républicain », qui est en réalité un front cosmopolite anti-républicain, ou plutôt à le discréditer aux yeux des Français en le faisant apparaître pour ce qu’il est, une honteuse combine électoraliste.

Primo, le RN doit se réclamer de la république haut et fort, en rappelant que celle-ci implique la souveraineté et l’identité de la nation. Sept concepts ou principes doivent être constamment invoqués et mis en avant par la droite nationale :

souveraineté, indépendance, identité, grandeur, patrie, nation, république.

Le RN doit simultanément dénoncer ses adversaires en montrant qu’ils en sont la négation.

Je crains que le RN n’ose pas employer le concept idoine pour désigner l’ennemi, à savoir le cosmopolitisme. En effet, l’ennemi cosmopolite a l’extrême habileté d’interdire qu’on l’appelle par son nom et fait pour cela l’amalgame entre anticosmopolitisme et antisémitisme (horresco referens). Or, les deux n’ont en réalité rien à voir. Le cosmopolitisme a été inventé vers 350 av. J.-C. par Diogène le cynique, qui était grec et non juif. Il est vrai que certains Juifs se sont réclamés ouvertement du cosmopolitisme, tels Guy Scarpetta, qui a écrit un Éloge du cosmopolitisme, ou encore Bernard-Henri Lévy et Daniel Cohn-Bendit, mais on ne sache pas qu’Alain Juppé, Édouard Philippe, Jean-Louis Bourlanges ou Emmanuel Macron lui-même, parmi tant d’autres, soient juifs, alors même qu’ils sont idéologiquement de parfaits cosmopolites. Comment combattre un ennemi que l’on ne peut pas désigner par son nom ? On peut quand même y parvenir, sans avoir le courage ou sans prendre le risque de dire le mot interdit, en dénonçant à la place le mondialisme et le nihilisme, qui sont les deux volets du cosmopolitisme. Les cosmopolites sont des mondialistes-nihilistes.

Emmanuel Macron a ouvertement appelé à la souveraineté de l’Europe. Dans notre circonscription de Versailles-sud, le député sortant, Jean-Noël Barrot, Modem-Ensemble, ancien ministre de Macron, qui a été réélu le 7 juillet, appelait dans sa profession de foi du second tour à « une France forte dans une Europe souveraine ». Or, la souveraineté ne se partage pas. Si l’Europe était souveraine, la nation française ne le serait plus. Ce serait bien la peine de se gargariser du souvenir de la Libération de 1944 !

On n’a pas entendu Bardella attaquer Attal sur cette question cruciale. Il a préféré, stratégie diagonale oblige, rester terre à terre en ne parlant que de pouvoir d’achat, de sécurité et d’immigration, sans jamais invoquer les grands principes qui justifient son programme (et qui, à vrai dire, justifieraient un programme nettement plus musclé). Bardella n’a jamais dit à Attal : « Vous voulez abolir la souveraineté de la nation » et donc : « Vous n’êtes pas républicain », ou encore : « Vous mentez quand vous vous réclamez de la république ; moi, j’en ai le droit, pas vous. »

De même : « Vous organisez la submersion migratoire de notre pays », donc « vous voulez détruire notre identité nationale », ainsi, « vous n’êtes pas républicain ».

Secundo, le RN doit rejeter catégoriquement l’étiquette d’extrême droite et répéter inlassablement : « Vous mentez, nous sommes de droite modérée, nullement d’extrême droite », ce qui est au demeurant l’évidence même. Sans pour autant diaboliser l’extrême droite, car cela rejaillirait sur toute la droite, tout en accréditant l’idée fallacieuse que l’extrême droite serait abominable. La gauche se garde bien de tomber dans cette erreur et de rejeter l’extrême gauche : c’est ainsi, nous l’avons dit, que les trotskystes du NPA font partie du « Nouveau Front populaire ». C’est un mensonge, non une calomnie, de dire que le RN est d’extrême droite.

Toujours en stratégie haute, mais ici on confine à la stratégie basse, qui n’est pas non plus sans mérite, il faut rétorquer aux deux gauches qui se sont coalisées entre les deux tours des législatives : « Vous mentez aux Français, sur ce sujet comme sur tous les autres, vous êtes aux antipodes de la république, vous êtes contre la nation, contre la patrie, contre sa souveraineté, son indépendance et son identité. Vos promesses sont mensongères. La gauche de Macron et de Mélenchon, c’est l’empire du mensonge. »

 

5. Pour arriver au pouvoir en 2027, ou même avant, car Macron pourra à nouveau dissoudre l’assemblée nationale dans un an, le Rassemblement national doit abandonner sa stratégie diagonale, qui a démontré ses limites et ses insuffisances, et opter pour une stratégie haute en se réclamant fermement de la république et en affirmant qu’il est de droite modérée et non d’extrême droite. Cet aggiornamento est d’une nécessité absolue.

À cet égard, nous conseillons au Rassemblement national d’ajouter l’adjectif « républicain » à son nom, comme l’avait fait Bruno Mégret quand il avait fait scission du Front national en 1998 et qu’il avait créé un « Mouvement national républicain » (MNR) : son échec n’a évidemment rien à voir avec ce choix judicieux. Le RN pourrait devenir par exemple le « Parti national républicain » (PNR)…

Parallèlement, le RN doit muscler son programme. Il en est resté pendant deux ans au programme de Marine Le Pen pour l’élection présidentielle de 2022, programme qui donnait l’impression d’avoir été rédigé en une demi-heure sur un coin de table. Ce n’était pas sérieux.

Bardella a cru intelligent de mettre à des postes stratégiques Gilles Pennelle comme directeur général du parti, Pierre-Romain Thionnet comme directeur national du mouvement de jeunesse du RN, lesquels ont été élus députés européens le 9 juin 2024. Or, ces deux individus ne sont pas seulement des néo-nazis adeptes de la PND, prétendue nouvelle droite d’Alain de Benoist et François Bousquet, ils ont de surcroît démontré leur incompétence. Le premier, qui vient heureusement de démissionner, n’a pas été capable de trouver les bons candidats ni de rédiger un programme sérieux ; le second, qui est aussi le conseiller principal de Bardella, n’a pas été capable de lui rédiger par exemple la note d’une page sur le droit de la nationalité dont nous avons parlé. Bardella devrait faire le ménage dans son parti et recruter des collaborateurs de qualité.

Notre espoir de renouveau n’est cependant pas mort. Un vaste courant national-libéral est à l’œuvre dans le monde. Citons Trump aux États-Unis, ancien président qui a de bonnes chances de le redevenir, Orban en Hongrie, Modi en Inde. Consultez à cet égard notre portail national-libéral sur national-liberal.com, dont la devise est : « Identitaires de tous les pays, unissez-vous ! » Vous serez impressionné par la puissance et la force de ce courant mondial. Cela vous fera chaud au cœur et vous remplira d’optimisme.

Cependant, s’agissant de la France, la question est : Marine Le Pen et Jordan Bardella seront-ils à la hauteur de l’enjeu ? Tout est là. Sur ce point crucial, nous n’avons pas la réponse.

 

Henry de Lesquen

4 commentaires

4 Comments


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Aug 02

le RN pourrait revendiquer l'article 2 de la Constitution de 1793 : "liberté, égalité, sûreté, propriété"... Ce serait un joli pied-de-nez à l'état cosmopolite.

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Aug 02

Monsieur de Lesquen, votre analyse est juste. Mais bien au-dessus des capacités intellectuelles du RN et de la plupart des politiciens de droite. Le libéralisme classique, l'individualisme classique, la république classique, sont des notions inconnues de la plupart de nos contemporains. La machine de mort keynésiano-marxiste broie tout sur son passage (y compris ses propres enfants). Tant que la "pyramide de ponzi" keynésienne ne sera pas arrivé à son terme fatal, l'idéologie dominante ne changera pas. Même si le vent des idées, en attendant, est essentiel. Aux USA, le trumpiste Josh Hawley tient des discours très intéressants sur "l'augustinisme politique".

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Jul 30

Bonjour cher Henry

Votre analyse est parfaite ,mais hélas je crois que Marine le Pen n'aura jamais le courage d'aller jusqu'au bout. Vous préconisez cette stratégie haute ,hélas elle ne comprend pas qu'il faut taper plus fort , et refuser systématiquement les mots clés des adversaires, comme par exemple " extrême droite" ou bien " anti républicaine" elle préfère se soumettre,croyant ainsi, se de diaboliser . Elle se trompe ,hélas encore !

Bien cordialement

Martine

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Jul 28

Bonjour Monsieur de Lesquen,


C'est avec un immense plaisir que j'écoutais vos "lundis politiques" sur Radio Courtoisie et que je lis aujourd'hui vos articles puissamment structurés.

Il me semble, sans vouloir tomber dans un défaitisme désespérant, que la partie est jouée.

La France n'est déjà plus qu'une juxtaposition de races et de cultures, de peuples aux aspirations différentes et contradictoires. L'Identité a balayé l'Idée et LFI l'a bien compris. Elle a tout bâti sur La Fracturation Identitaire, voilà pourquoi 60% des musulmans voteraient pour elle. A la vitesse où nous sommes remplacés (une grosse métropole régionale par an en terme d'ampleur), LFI a de beaux jours devant elle.

La partie est perdue. Depuis très longtemps en fait. Les dés sont…


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